C’était un garçon accusant quelques déficiences mentales, qui habitait la rue du stade, dans un bâtiment appartenant à Mr Got. Son père, Mr Zaplana, était en effet un employé du négociant en vins bien connu dans le faubourg. Je n’ai jamais su si cette famille était apparentée aux Zaplana habitant tout au bout de la Rue du Soleil, à l’Ouest, dont l’un des membres, José « el peleón », le bagarreur, n’avait pas son pareil pour déclencher des « zaragatas », des disputes très animées, dans ce coin là communément appelé la Casbah. Notre jeune homme en question était assez mince, de taille moyenne, les cheveux très courts, en brosse. Il marchait en dodelinant de la tête, avec un balancement de bras assez remarquable. Il était souvent présent au stade et ne ratait pratiquement jamais un entraînement. La famille Verdu, concierge des lieux, le prit très vite en amitié et c’est ainsi que notre Pépé, c’était son prénom, se retrouva un jour responsable de l’affichage du score lors des matches de football. A cet effet, un panneau publicitaire avait été installé tout près du poteau de corner Sud –Est du champ de jeu.
Par la même occasion, il était aussi chargé d’aller récupérer le ballon de jeu lorsqu’un tir maladroit propulsait celui-ci par-dessus le mur d’enceinte. Je ne sais s’il était vraiment passionné par la qualité du jeu qui nous était offert, mais il pressentait mieux que personne le moment où un joueur maladroit allait catapulter le ballon dans les airs, bien au dessus de la haute muraille Sud. Il bondissait alors du coin où il se tenait sagement accroupi, à même le sol, suivait, l’espace d’ une seconde, la trajectoire du ballon et se précipitait pour ouvrir la petite porte prévue pour la circonstance. Il faisait grincer le lourd verrou, laissait bruyamment retomber la poignée et neuf fois sur dix son regard récupérait à nouveau, à l’extérieur, la course folle de l’objet volant, juste avant qu’il ne touchât le sol. Quelques folles enjambées à travers le carré de luzerne, de carottes ou autre légume, joyeusement piétinés, et il récupérait son trophée. Il faisait alors son entrée dans le stade, faisant grincer à nouveau et sans ménagement le verrou, comme pour attirer l’attention, tout fier de sa réussite.